La revue illustrée - Page 1
1er septembre 1904, par Jules de Nancourt.
LUCIEN DESCAVES


Non loin de la prison de la Santé, dans ce quarlier de l'Observatoire où il est né, où il a vécu presque constamment jusqu'ici, Lucien Descaves habite une petite maison, précédée d'un jardinet, très simple et modeste comme lui.
Un grand arbre pousse ses rameaux jusque devant les fenêtres du cabinet de travail, au premier étage; et de ce coin paisible, on n'entend que le grondement très lointain et très assourdi du Paris fiévreux, le chant de quelque oiseau dont le nid se cache dans les feuilles, et parfois les cris joyeux des enfants du maître écrivain, qui s'ébattent dans le petit jardin à leur retour du collège.
Le cabinet de travail est lui-même sans prétention : quelques jolis meubles en bois sculpté, de belles gravures ou lithographies, beaucoup de livres dans les rayons couvrant les murs, et, devant la fenêtre, le pupitre-chevalet, où Lucien Descaves écrit debout, quand il ne se promène pas de long en large, triturant la matière d'un chapitre, d'une scène ou d'une chronique.
La physionomie de l'homme correspond exactement à celle du cadre : de taille moyenne, vêtu simplement, avec un visage aux traits énergiques tempérés par la douceur du regard, Lucien Descaves apparaît comme le véritable « ouvrier » de lettres, celui dont parle La Bruyère, celui qui sait écrire de ces ouvrages dont la lecture « élève l'esprit », c'est-à-dire nous affranchit de l'égoïsme et nous fait concevoir des pensées universelles et des sentiments désintéressés.
C'est qu'en effet il ne ressemble en rien à ces littérateurs snobs, experts dans l'art de faire valoir dans les salons leurs proses fades ou leurs vers ampoulés, ni à ces littérateurs commerçants, plus experts encore dans l'art de faire fructifier à leur profit les œuvres d'autrui, achetées au rabais et signées de leur nom. Il travaille beaucoup, à toute heure de la journée, n'écrit jamais pour ne rien dire, ne saurait sacrifier ses idées à ses intérêts, et, quoi qu'on ait pu dire à propos de Sous-Offs, n'a jamais cherché le scandale pour se tailler une réclame et gagner beaucoup d'argent : probité et sincérité dans sa vie comme dans son œuvre, telles sont ses qualités essentielles.
Ce qui frappe d'ailleurs, quand on l'aborde pour la première fois, c'est la franchise de sa poignée de main et celle de sa parole.
Chez lui, pas le moindre désir de parader et de pontifier; il ignore la pose, même chez les photographes, au point qu'il est très difficile de se procurer sa photographie; les portraits de lui que nous reproduisons ici sont presque tous dus à des amateurs, à des amis, qui ont pu, par hasard, braquer sur lui leur objectif.
Le premier a été dessiné et gravé par son père, qui fut un artiste de grand talent et un homme d'intelligence fort ouverte, puisqu'il fut le premier à encourager les débuts littéraires de son fils; (...) suite


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