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![]() Voici quelques pages extraites du Ronge-Maille Vainqueur
(Paris, Ollendorff, 1920)
"Illustrations de Lucien Laforgue
Un des 31 exemplaires sur papier de chanvre teinté, enrichi de cinq dessins originaux non signés. Exemplaire de Marie Descaves. Sous couvert des conventions animalières empruntées à La Fontaine, il s'agit d'une violente satire contre les profiteurs de guerre. Interdit par la censure en 1917, dut attendre trois ans avant d'être publié" Commentaire extrait du catalogue établi par M. Jean De Palacio dans l'ouvrage Lucien Descaves 1861 - 1949 De la commune de Paris à l'Académie Goncourt (publié à l'occasion de l'exposition sur Lucien Descaves présentée à la Bibliothèque Municipale de Brest du 25/11/05 au 26/01/06 en savoir plus) |
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![]() "Ce manuscrit devait paraître en 1917 au printemps. La publication
en fut interdite par la censure, dont M. Maruéjouils (sic Maruéjouls) était alors le chef. Il
ne voulut pas qu'on parlât des rongeurs. Les profiteurs de la
guerre, de toutes les guerres, désignés même
indirectement, à la vindicte publique, n'allaient - ils pas
hésités à le reproduire?
Voila qui était grave! L'inconvénient n'existe plus. Ronge-Maille, repu, a eu le temps de mettre son lard à l'abri et sa portée au monde. Il a pullulé! le mercanti est né du profiteur. Le surmulot a fait des petits. Nous pouvons imprimer aujourd'hui tout ce qui nous passait par la tête il y a trois ans. Rien n'a été changé au texte primitif. Les quatre derniers paragraphes seuls ont été ajoutés. Nous avons d'autant plus licence de tout dire que les rats ont maintenant un véritable sujet d'inquiétude. L'égoutier en colère qui fait entendre un bruit de bottes..." Paris, 1920
Lucien Descaves
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![]() ![]() Une de ses fables, par exemple, est intitulée: Conseil tenu par les rats . Comme si les rats perdaient leur temps en conférence! Nous ne rongeons pas comme l'homme parle. bonbec, chez nous, emporte le morceau autrement qu'avec la langue. Il est vrai que La Fontaine a pris soin de nous avertir:
S'il en est ainsi: d'accord . La leçon continue. |
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![]() * Le cadavre d'un homme, de quelque côté de la tranchée qu'il soit sent toujours bon. * Les années où la moisson est rouge, sont pour nous des années d'abondance * On n'aura pas la paix tant qu'il en restera deux debout. |
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![]() * Avec les torpilles..., tous ces bateaux coulés..., il n'y a plus de sécurité à fond de cale. * Nous n'allons pas le crier dans les greniers..., mais la vérité, c'est que nous perdons sur mer beaucoup de monde. Ah! l'homme ne nous ménage pas!... ![]() |
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![]() * Nos ancêtres ne travaillaient jadis qu'aux charniers de Montafaucn et des Innocents. Ce qu'ils devaient être maigres au regard des mulots que les charniers d'à présent nourrisent à l'envi! Pour nous, plus de jours sans viande! Niez donc le progrès après cela! ![]() |
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![]() * Pas de progrès que l'homme ne réalise. Le voilà, cette année, qui laboure à la mélinite, en guise de charrue! Mais un entonnoir et un sillon font deux... et pour retourner un champ de façon qu'il ne produise plus rien, notre vieille méthode à nous est encore la meilleure. Alors, pourquoi en pratiquer une autre? * Nous aurons bien de la peine à nous remettre au travail à domicile, depuis trois ans que nous vivons dehors et sur le tas. ![]() |
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![]() * Le mot poule revient souvent dans les conversations des soldats... Mais ils parlent tantôt des poules qu'ils convoitent pour s'en nourrir, et tantôt des poules qui les attendent pour être nourries. Nous ne sommes friands, nous que d'une espèce de poules, celles que nous caressons, la nuit, au poulailler. C'est encore la chair la plus délicate: mais comment le saurait-on, sans terme de comparaison? * Aux dernières nouvelles, l'agriculture manque de bras. Toujours ça de gagné - pour nous. ![]() |
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![]() * Notre tête est mise à prix. Histoire d'inculquer au soldat une faible idée de la façon dont les fournisseurs aux armées s'enrichissent; par le dol et la fraude. Beaucoup de soldats, en effet,se sont mis à fabriquer des queues de rats qu'ils présentaient pour toucher la prime. Ridicules artifices! Grossière imitation! N'en médisons pas trop néanmoins: pendant qu'ils s'amusaient à ces trompe-l'oeil, nous nous donnions carrière. * Leur cinématographe de la guerre... quelle blague: Ils n'ont
pas seulement réussi à nous faire grouiller sur
l'écran, de façon que toutes les femmes, dans la salle,
serrent leur jupes et crient d'effroi
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![]() leurs guerres ne sont pas autre chose à nos yeux que la mobilisation d'une multitude de chats bottés. il en sort de partout...; et combien nous apparait paisible et bénin, alors, le Chat botté par excellence, l'égoutier, qui nous laisse jouri des droits du premier occupant et ne fait de mal à personne - pas meme à ses semblables! ![]() |
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![]() * Ils regrettent leurs vieux clochers détruits par l'incendie, les obus... Qu'est ce que nous dirons? Ah! sans les cloches, ces bavardes, quels asiles de tout repos! Et encore... depuis le temps qu'elles sonnaient... des siècles!... nous avions fini par nous faire à leur bruit. Il nous réveillait toujours, mais il ne nous effrayait plus. Les cloches nous appelaient aux corvées du quartier. Muettes et dans l'ombre seulement, elles avaient de quoi nous inquiéter un peu, avec leur gros rat immobiles, suspendu par la queue comme un épouvantail: le battant de cloche. ![]() |
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